En 20230, le capital confiance nous permettra de sortir de notre dépendance au système bancaire. !
- Anne Beau Du Bouchot
- 24 juin
- 5 min de lecture

« Vu votre situation, cela ne devrait pas poser de problème. Envoyez-moi une demande par écrit, je reviendrai vers vous dès réception. »
Anaïs raccroche. Enfin un problème de moins. Elle rappellera sa banque en début de semaine prochaine pour s'assurer que le découvert sera bien autorisé. Elle pourra ainsi régler son échéance de charges sociales à la fin du mois.
Mais la nuit, elle ne dort pas. Elle rumine. Un de ses plus gros clients lui doit une facture d’honoraires depuis plus de quinze jours. Son montant couvrirait largement les charges sociales à venir. Pourquoi devrait-elle supporter des frais bancaires, voire des agios, à cause d’un délai de paiement imposé par ce client ?
Anaïs connaît parfaitement les rouages bancaires. Elle a été avocate de banque pendant plus de vingt ans. Elle sait que, malgré les promesses de son conseiller – avec qui elle entretient d’excellentes relations – ce n’est pas lui qui décide. C’est l’intelligence artificielle.
Elle fait rapidement le point sur sa situation. Cliente depuis plus de quarante ans, elle n’a jamais eu d’incident. Mais ce petit découvert, qu’elle juge pourtant anodin, pourrait être refusé pour plusieurs raisons. La première : elle est travailleuse indépendante. Et à part son compte courant, elle ne détient qu’un simple Livret A. Pas de portefeuille titres, pas d’assurance-vie, pas de garantie. L’IA ne regarde ni la fidélité, ni l’historique. Elle analyse que les chiffres.
Il est 5h30 du matin. Anaïs décide d’aller se promener dans les jardins-forêts comestibles. Les oiseaux saluent l’aube de leurs chants. La rosée dépose une fine pellicule de gouttelettes sur les herbes hautes et les feuilles des arbres.
Au contact de cette nature luxuriante, Anaïs éclate de rire "Mais pourquoi ai-je appelé mon banquier ? Un vieux réflexe que je dois abandonner".
À 9 heures, elle appelle Virginie, une travailleuse indépendante comme elle.
- Bonjour Virginie. J’ai un service à te demander.
- J’écoute.
- Je dois régler mes charges sociales dans quinze jours, et j’attends toujours qu’un client me règle une facture d’honoraires. Je crains de ne pas avoir l’argent sur mon compte avant le 30.
- De combien as-tu besoin ?
- 3 000 euros. Si tu peux me prêter cette somme, je te rembourse au plus tard à la fin du mois prochain.
- OK. Je vérifie quelque chose et je te rappelle.
- Merci.
Moins d’une heure plus tard, Virginie la rappelle.
- Je peux te prêter 1 000 euros.
- C’est super. Tu peux me virer la somme rapidement ?
- Je le fais immédiatement.
Anaïs appelle ensuite Sophie. Elle lui expose la même situation, en précisant que Virginie lui a déjà avancé 1 000 euros. Il ne lui manque donc plus que 2 000.
Sophie répond : Je sais que tu es toujours ri craque. Je te vire 3 000 euros. Tu me rembourseras quand tu pourras.
Le lendemain, Anaïs réglait ses charges sociales.
Le mardi suivant, sa chargée de clientèle l’appelle.
- J’ai vu avec mes services. Nous pouvons vous faire un prêt à la consommation. Je vous envoie par email la liste des documents nécessaires. Si vous répondez aujourd’hui, je devrais pouvoir débloquer les fonds avant la fin de la semaine. Est-ce que cela vous convient ?
- Merci, mais je n’ai plus besoin de cette somme. Je me suis arrangée autrement.
- Ah ! Vous avez donc trouvé une solution. Vous êtes passée par une autre banque ?
Non. Nous sommes en 2030. J’ai obtenu cet argent dont j’avais besoin grâce à mon capital confiance.
De nombreuses personnes, en prenant conscience que le système bancaire non seulement les rendait dépendantes d’un système consumériste du toujours plus, mais les plaçait surtout dans l’obligation de toujours devoir tout justifier à la moindre demande, réalisèrent qu’elles pouvaient fonctionner autrement.
Une économie de la solidarité, basée uniquement sur la confiance, ancrée dans la réalité quotidienne des indépendants, avec ses imprévus et ses ajustements, a vu le jour.
Ce système a pour socle deux principes.
Le premier est : Si je te prête de l’argent, c’est sans intérêt. Je te le donne pour que tu puisses répondre à tes besoins. Je ne te prête pas pour m’enrichir. Si je te prête de l’argent c’est par ce que j’ai confiance en toi, et que j’ai foi en ta parole.
Le second est : Quand je prête de l’argent, je suis prête à le perdre. Je ne donne donc que ce dont je n’ai pas besoin pour satisfaire mes besoins essentiels immédiats.
Grâce à ce principe, si tu ne me rembourses pas à date, je ne t’en veux pas.
Libre je suis de continuer à t’accorder ma confiance ou à te la retirer.
Début du mois suivant. Anaïs reçoit enfin le paiement tant attendu de son client. Elle appelle aussitôt Virginie.
- J’ai enfin reçu le virement ! Je t’envoie aujourd’hui les 1 000 euros. Merci encore.
- Ah, ça c’est une bonne nouvelle. En fait, je m’étais un peu trompée dans mes prévisions… Ces 1 000 euros tombent à pic.
- Tu as besoin de plus ? — Oui… de 3 000 euros, si c’est possible.
- Je vais voir ce que je peux faire.
Ce qu’elle a reçu ne lui permet pas de rembourser Sophie et de prêter 2 000 euros à Virginie, sans se mettre à nouveau en difficulté. Elle constate, comme depuis plusieurs mois, que ses clients paient de plus en plus tard.
Alors elle appelle Sophie.
- J’ai reçu l’argent de mon client. Je peux te rembourser.
- Ce n’est pas urgent. Ma trésorerie est plutôt bonne en ce moment.
- Virginie a besoin de 2 000 euros. Est-ce que tu serais d’accord pour que je lui vire cette somme d’abord ? Je sais qu’elle me remboursera rapidement. Je pourrai ensuite te rembourser intégralement.
Sophie éclate de rire.
- Je ne connais pas Virginie, mais je te fais confiance.
- Merci. Je te rembourse les 3 000 dans deux mois, ça te va ?
- Parfait.
Sans attendre, Anaïs vire les 3 000 euros à Virginie.
Deux mois plus tard, Virginie rembourse Anaïs. Anaïs rembourse Sophie.
Tout s’est équilibré, sans contrat, sans intérêt, sans pénalité. Juste une parole tenue, trois femmes, et un fil invisible mais solide : la confiance.
Le même jour, Anaïs reçoit un dernier message automatique de sa banque : « Suite à l’inactivité de votre demande, votre dossier de prêt est clos. N'hésitez pas à nous solliciter de nouveau. »
Elle sourit.
Anaïs en 2023
Auteur : Anne Pichon
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